Perdu ! On ne va pas parler du premier jour de l’ère Covid, an II, mais d’un nouvel an festif (on en a bien besoin !) d’héritage persan : c’est aujourd’hui la fête sacrée de Norouz 🙌.
Un grand merci à Azad, fidèle lecteur de Désoriental, qui a partagé beaucoup de son héritage kurde pour la rédaction de cet article.
On en profite pour recommander le podcast ami L’Orient à l’envers et son premier épisode, Identité(s) kurde(s). L’occasion de mieux comprendre cette culture et son actualité, par les voix de personnes concernées, loin des clichés.
Norouz, “Nouveau Jour”
Appelle-le Norouz, Newroz, Navrouz, Nowruz, Nowrooz, Novruz ou encore Navreh : depuis plus de 3000 ans, le nouvel an persan est célébré au moment de l’équinoxe de printemps, aujourd’hui par 300 millions de personnes dans le monde.
Le “Nouveau Jour” ou “Nouvelle Lumière » traverse les frontières et les croyances et on le fête de l’Asie Centrale aux Balkans. Il est célébré par les Parsis indiens zoroastriens, les Cachemiris hindous, les Salars chinois musulmans, les Kurdes chrétiens, les Egyptiens alévis. Dans chaque pays, la fête se nourrit des traditions locales. Chez les Kurdes par exemple, Newroz commémore aussi la légende de la victoire de Kawa le Forgeron contre le roi Zahak.
De nombreuses cultures fêtent l’arrivée de la belle saison comme un renouveau sacré : l’Inde avec les fêtes hindoues de Holi, Onam et Pongal, et la fête sikh de Vaishakhi, le Japon avec les festivités d’héritage shinto autour de la floraison des cerisiers, le Hanami, les Roms et plusieurs peuples turcophones avec la fête de Hidirellez, les peuples amazigh avec Yennayer ou encore les pays de tradition chrétienne avec la fête de Pâques, qui reprend dans sa forme actuelle certains rites antiques, mésopotamiens, perses, grecs et celtes.
À la fin de cet article, tu seras incollable sur cette fête importante qui fait partie du patrimoine immatériel de l’humanité de l’UNESCO. Voici Norouz en quatre rituels : le nettoyage de printemps, le mercredi rouge, la table de norouz et le treizième jour.
rituel n°1 : le grand ménage de printemps
Tout commence par un grand ménage de printemps, une renaissance symbolique : pendant le dernier mois de l’année persane (notre mois de mars), on nettoie et on réorganise de fond en comble sa maison pour mieux accueillir la nouvelle année.
Il est de tradition de remplir la maison de fleurs fraîches, généralement des jacinthes et des narcisses. Il est également conseillé de brûler des graines d’esfand (aussi appelées adrasman en farsi, soma en sanskrit ou harmal en arabe) dans la maison, dont la fumée est réputée pour chasser le mauvais œil et les mauvaises énergies.
Parallèlement à ce nettoyage matériel, on se soucie de sa purification spirituelle, notamment en pardonnant, en résolvant les conflits et en laissant derrière soi les vieilles rancunes.
La mauvaise fortune et les mauvaises ondes de l’année passée sont balayées avec la poussière et la maison est maintenant prête à accueillir les invité.e.s pour les visites de Norouz.
rituel n°2 : Chaharshanba Suri, le mercredi rouge
En kurde comme en farsi, čahāršanba-sūrī , le “mercredi rouge”, est un rituel de purification que l’on accomplit la veille du dernier mercredi de l’année, considéré comme un jour maudit, quelques jours avant Norouz.
À la veille du dernier mercredi de l’année donc, on sort dans les rues et on y allume des feux, au-dessus desquels on saute.
En sautant au-dessus de ce feu purificateur, on prononce “zardi-yé man az to ; sorkhi-yé to az man” qui signifie littéralement : “ma [couleur] jaune pour toi, ta [couleur] rouge pour moi”. Au sens figuré : “je te donne ma pâleur / ma maladie, je prends ta force / ta bonne santé”. Il est également rituel de casser des jarres en terre qui contiennent symboliquement la mauvaise fortune.
rituel n°3 : Haft sin, la table de Norouz
Haft sin, c’est la table que l’on dresse le jour J, le premier jour du mois de farvardin, et que l’on garde pendant treize jours. Le mot signifie “Les Sept S”, pour les sept éléments que l’on dressera sur la belle table de fête et qui commencent par la lettre “S” en farsi.
On prépare la plus belle présentation possible et on n’hésite pas à être généreux, car il est dit que la signification des éléments présentés sur la table du haft sin lors de l’équinoxe sera multipliée pour l’année à venir !
On la prépare une dizaine de jours en amont, en faisant germer des graines de blé.
Chacun des « Sept S » à une signification particulière :
- Sabzeh : les germe de blé, pour la renaissance
- Samanu : la pâte de germe de blé sucrée, pour l’abondance
- Senjed : la baie d’’argousier, pour l’amour
- Sîr : l’ail, pour la médecine
- Sîb : la pomme, pour la beauté et la santé
- Sumac : le sumac (baie rouge acidulée), pour le soleil
- Serkeh : le vinaigre, pour l’âge et la patience
Ces sept éléments comestibles sont accompagnés de sept autres éléments non comestibles : des jacinthes pour le printemps, de l’argent pour la prospérité, des œufs peints pour la fertilité, un poisson rouge pour la vie, un miroir pour le reflet de la vie, des bougies pour le feu et la lumière et enfin un livre sacré selon chaque religion pour la foi.
Il existe des variantes du haft sin selon le pays, comme l’orge à la place du blé, ou sept fruits, fruits secs ou sirops de fruit à la place des sept éléments comestibles.
Après l’accomplissement de ces rituels, on célèbre Norouz avec les voisin.e.s, les ami.e.s et la famille.
On sort, on danse sur des musiques traditionnelles, on s’amuse, on se rend les un.e.s chez les autres, on compare les haft sin, on sert du thé, des gâteaux, des fruits secs, des sucreries et des fruits aux invité.e.s. Il est aussi coutume d’offrir aux très proches, des bijoux, de l’or, des pierres précieuses, ou de l’argent, en guise de reconnaissance.
rituel n°4 : sizdah bedar, le treizième jour
Les célébrations du treizième jour ont pour origine une croyance perse ancestrale : les douze constellations du Zodiaque influencent les mois de l’année, chacune règne sur la Terre pour un millier d’années et à la fin d’un cycle, le ciel et la terre sombrent dans le chaos.
Norouz dure ainsi douze jours et le treizième jour représente le chaos, moment pendant lequel les familles, pour éviter la malchance associée au nombre 13, sortent de la maison profiter d’un pique-nique festif : c’est sizdah bedar, le “treizième dehors” !
À la fin de cette chouette journée, les sabzeh germées pour le haft sin ont symboliquement recueilli toute la maladie et la malchance et sont jetées à l’eau pour chasser les démons (divs) de la maison. Et c’est la fin des festivités de Norouz.
Norouz célèbre la vie et le renouveau, c’est le moment où l’on clôture le passé pour accueillir de manière positive l’avenir ! Alors :
Nowruz mubarak !
Newroz pîroz be !
Sultan Nevruz kutlu olsun !
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