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Mélie Nasr, réécrire les contes pour lutter contre une histoire unique

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“Ici, les princesses ne sont ni pâles, ni passives, ni prêtes-à-sauver. Parfois, elles sont cruelles, les princes démunis, les enfants désespérés. Et quand l’amour triomphe, il n’est pas là où on l’attend.”

Re : Contes, un recueil de contes pas comme les autres … 

Pour Mélie, ce livre est d’abord la réponse à une frustration : “Je déteste les contes de fées, j’ai voulu les réécrire.” 

Elle explique que les versions qui nous arrivent ne sont jamais neutres : Perrault à son époque avait écrit des versions courtes, drôles et légères pour la cour, alors que les Frères Grimm sont, eux, allés chercher la dimension morale de ces contes à une époque très puritaine. Et aujourd’hui à l’époque de la mondialisation et de surconsommation, Disney a aseptisé et uniformisé les contes. 

Elle insiste sur sa légitimité à réécrire des contes classiques. “Je pense que le conte est un matériau qu’on a tou.te.s le droit de revisiter car c’est avant tout une tradition orale, millénaire, et nomade aussi.”

Prenons en exemple Cendrillon. Eh bien elle existe depuis l’Antiquité, sous le nom de Rhodope chez les Grecs ou d’Oochigeas chez le peuple natif-américain des Abénaquis. Elle connaît ensuite plusieurs variantes, entre L’Histoire de Yexian dans une version chinoise IXe siècle et Le Bracelet de Cheville dans le recueil des Mille et unes nuits vers la même époque, avant de nous arriver en France par Charles Perrault au XVIIe siècle.

“J’ai rebaptisé « Blanche Neige » en « Noire Nuit ou Blanche Neige« .

Dans Re : Contes, les personnages n’ont pas d’appartenance ethnique. On ne sait pas de quelle couleur est leur peau ni comment sont leurs cheveux.

“C’est un parti pris d’extraire cet aspect des personnages, d’abord parce que trop souvent « par défaut », on les imagine blanc.che.s, et on considère que ce n’est pas une ethnicité. Et parce que de l’intérieur, on ne se vit pas de telle ou telle ethnicité, c’est le regard extérieur qui nous renvoie cette dimension. De l’intérieur on se vit simplement humain. C’est pour cela que je crois que préciser l’ethnicité appauvrit le propos et l’interprétation que l’on aura du conte. Et puis, on n’est pas dans des vrais mondes, on est dans l’imaginaire, chacun.e doit pouvoir s’y projeter.”

Re : Contes, c’est un outil pour lutter contre une histoire unique, se réapproprier cet héritage universel, poursuivre cette grande tradition du conte lu ou raconté, et inviter chacun.e à devenir à son tour conteur.euse.

En coulisses, Re : Contes c’est aussi une affaire de famille, portée par Mélie et ses sœurs, métisses franco-libano-anglaises. “Travailler en famille m’a permis de retisser un lien que j’avais perdu dans l’exil. La condition d’exilé.e.s de mes parents a distendu les liens que je pouvais avoir avec leur génération. Mes sœurs et moi avons chacune des relations différentes à nos trois cultures. En ce qui me concerne, je me déplace facilement d’une culture à l’autre, j’ai intégré que je serais à peu près partout bien installée, et de nulle part en même temps. Je ne sais pas si mes parents, eux, étaient prêts à s’extraire durablement de leur pays ainsi. » 

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