Cette année, on ne fête pas tout à fait encore les quarante ans de la marche pour l’égalité, mais vu le climat politique et médiatique actuel, c’est probablement quand même un bon moment pour se replonger dans l’héritage de la grande marche antiraciste qui a eu lieu d’octobre à décembre 1983 !
À l’époque, suite à une violence policière de trop, un petit groupe de 17 militant.e.s antiracistes part de Marseille pour traverser la France, en s’inspirant de la marche non-violente des droits civiques initiée (entre autres) par Martin Luther King vingt ans plus tôt. A l’arrivée à Paris, la marche réunira 100 000 personnes.
Restée à la postérité comme la “marche des beurs” dû au traitement médiatique, et aussi parce que les discriminations et les violences policières touchent encore particulièrement les jeunes Français.e.s d’ascendance maghrébine, la manifestation se définit en réalité comme une “marche pour l’égalité rassemblant les habitants de France de toutes origines pour la constitution d’une société solidaire”.
Une nuance importante qui va à contre-courant des violents discours sur “l’intégration”, l’identité française, les “binationaux” ou encore les “séparatistes” depuis plus de trente ans.
Profondément Français.e.s, les marcheuses et les marcheurs de 1983 comme les militant.e.s antiracistes d’aujourd’hui font simplement leur part pour une société plus solidaire, notamment débarrassée du racisme.
Un message fort qu’il est d’autant plus important de rappeler en ces tristes temps anniversaires des attentats du 13 novembre 2015, qui marquent aussi un tournant dans le traitement médiatique et politique des luttes antiracistes.
« Restée à la postérité comme la “marche des beurs”, la manifestation se définit en réalité comme une “marche pour l’égalité rassemblant les habitants de France de toutes origines pour la constitution d’une société solidaire”.«
Voici trois ressources à voir et à lire pour te replonger dans l’héritage de cette marche antiraciste historique.
1. Un livre : La Marche pour l’Egalité. Une histoire dans l’Histoire, de Toumi Djaidja, entretiens avec Adil Jazouli, aux éditions de l’Aube, 2013
Parmi les nombreux ouvrages sortis en 2013 à l’occasion du trentième anniversaire de la Marche, on te présente celui de Toumi Djaidja, le jeune lyonnais qui a fédéré autour de lui les marcheuses et marcheurs après avoir reçu une balle dans le ventre par la police.
Pourquoi ? C’est dans le titre : il s’agit d’une histoire dans l’Histoire, un récit intime. Ce livre n’a pas valeur de documentaire mais plutôt d’archive subjective à la première personne, sous forme de fragments, qui de moments de la marche, qui de plongées dans l’histoire familiale et dans le contexte social de l’époque.
2. Un film : La Marche (film de fiction) de Nabil Ben Yadir, 2013
Le film est centré sur les personnages de Toumi Djaidja et du père Delorme, “le curé des Minguettes”, qui œuvre sans relâche contre le racisme et pour la solidarité depuis une cinquantaine d’années. Il vient d’ailleurs d’effectuer un jeûne de soutien aux grévistes de la faim en solidarité avec les exilé.e.s de Calais, alors que les médias et les responsables politiques se sont largement détournés de cette question.
Encore une fois, ce film n’est pas une restitution documentaire de la marche, mais une adaptation romancée.
3. Un documentaire : Les Marches de la liberté, écrit et réalisé par Rokhaya Diallo en 2013
Dans ce documentaire, la journaliste et militante antiraciste Rokhaya Diallo suit un groupe de jeunes activistes américain.e.s alors en séjour à Paris pour découvrir l’état de la question raciale au pays des droits de l’homme.
Le documentaire fait des allers-retours entre passé et présent, entre les Etats-Unis avec la “marche sur Washington pour l’emploi et la liberté” de 1963 (d’où est tiré le fameux discours “I have a dream”) et la France, avec la marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983. Il nous donne de la perspective sur l’évolution du racisme et nous éclaire sur les luttes antiracistes déjà menées sur lesquelles s’appuyer pour poursuivre le combat.