Appropriation. Culturelle.
La simple prononciation de ces deux mots jette un froid, une gêne, dans les conversations … Et donc quoi ? on ne peut plus s’inspirer les uns des autres, chacun doit rester enfermé dans sa culture ?
Le débat est véritablement ailleurs et les questions sont nombreuses et concrètes. Pour n’en citer que trois : quand une culture emprunte à une autre, quels sont les rapports entre ces deux cultures (génocide -cf les Amérindiens & Coachella-, domination, coopération, admiration mutuelle, …) ? À qui reviennent les retombées économiques de cet alliage (car la culture est aussi une industrie) ? Le sens de l’œuvre de départ est-il respecté ou au contraire caricaturé ou exotisé ?
L’évolution du sample de musiques arabes dans la culture hip-hop est un bon cas d’école sur le sujet.
La décennie hip-hop US 2000 est sans conteste celle des boucles rétro samplées : Motown, musique classique, extraits de discours, tout y passe et la musique arabe n’est qu’un ingrédient de ce grand mélange cool et vintage. Ici pas de débat post-colonial, mais force est de constater que les artistes de la pop-culture américaine dominante oublient tout bonnement de créditer les artistes méconnus des “musiques du monde” et de rémunérer leurs ayant-droit.
En France à la même époque, le sampling de musiques arabes prend un tout autre sens, avec comme climax le sample d’Ahmed Wahby par DJ Mehdi sur le classique Tonton du Bled du 113. Un hommage au pays des parents, un trait d’union nostalgique avec la génération précédente, comme une madeleine de Proust musicale.
Début années 2010, les printemps arabes amènent un vent de créativité et un vrai pouvoir d’agir chez les jeunes générations. En parallèle et cinquante ans après la fin des empires coloniaux européens, un nouveau discours émerge dans toutes les grandes villes cosmopolites, celui de la décolonisation des imaginaires.
Emblématique de ce mouvement, le collectif artistique Naar rassemble sur l’album rap Safar des artistes occidentaux et des artistes du monde arabe dans une création “post-culturelle” selon leur manifeste. Pour mieux comprendre leur intention, lire cette tribune de 2017 de Mohamed Sqalli, co-fondateur du collectif Naar. Tu vas l’adorer ou la détester, mais elle va certainement l’interpeller.
Pillage, hommage ou métissage, … le sujet est complexe mais en résumé, le fait de sampler des musiques d’une autre culture, le fait de mixer les cultures a toujours un sens. C’est pourquoi le débat sur l’appropriation culturelle ne peut-être comme il l’est actuellement, systématiquement disqualifié.
Trève de mots et place à cette playlist : une trentaine de pistes hip-hop qui samplent des chefs-d’œuvre musicaux du monde arabe, une playlist qui te permettra de streamer et rémunérer aussi les œuvres d’origine, sans te priver du plaisir d’écouter ces classiques du hip-hop et de la pop music (tu vas même y retrouver “Outlandish” et “Chamillionaire”). Bonne écoute !
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