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Gisèle Rabsahala, une vie pour le patrimoine malgache

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Aujourd’hui, on célèbre le parcours de la leader malgache Gisèle Rabesahala (1929-2011), résistante, femme politique, journaliste, défenseuse de la culture malgache, et role model féminin ! Bref, son combat politique, social et culturel de l‘époque coloniale à nos jours.

Crédit photo : Fonds Photographique Rabesahala

Gisèle Rabesahala, la résistante de “l’Insurrection malgache”

Gisèle Rabesahala naît à Madagascar en 1929 et grandit entre La Tunisie, le Soudan français (actuel Mali) et la France au gré des mutations de son père militaire dans l’armée française. Elle rentre à Madagascar en 1942 à la mort de son père. L’île est alors encore une colonie française.

La Seconde Guerre Mondiale fait grandir la colère et les revendications d’indépendance des Malgaches, notamment des plus pauvres. Car à cette période, comme partout dans l’empire colonial français, des dizaines de milliers d’indigènes sont soumis.e.s au travail forcé, les récoltes de riz du pays sont réquisitionnées pour la métropole et la famine s’installe, et 34 000 Malgaches sont appelés pour servir dans l’armée française.

La lutte indépendantiste s’organise au lendemain de la guerre avec des soutiens communistes, et en 1947 a lieu “l’Insurrection malgache”. Mi guerre d’indépendance, mi guerre civile, pendant “l’Insurrection”, les indépendantistes tuent plusieurs milliers de colons et de malgaches non-indépendantistes, et en réponse, la France tuera entre 11 000 et 100 000 personnes (selon le camp qui comptabilise), dont la plupart sont des civil.e.s ne faisant pas partie des insurgé.e.s, tué.e.s par groupements, par villages.

Cela fait bizarre, de se dire que des militaires qui ont participé à cette répression massive avec viols, tortures et massacres de villages entiers sont probablement encore vivants, et que tout cela n’est en fait vraiment pas si vieux !

Pour revenir à Gisèle Rabesahala, elle n’a que 18 ans au moment de l’insurrection et est déjà engagée pour l’indépendance. Elle commence comme dactylographe au MDMR, le parti indépendantiste fraîchement créé par deux élus malgaches en métropole.

Elle co-fonde en 1950 le Comité de solidarité de Madagascar, qui travaille à l’amnistie des prisonniers politiques de l’Insurrection et au soutien à leurs familles.

Forte de cette première expérience, elle multiplie les engagements socio-politiques : elle devient leader syndicale et co-fonde en 1955 le journal à la ligne marxiste Imongo Vaovao dont elle restera membre du comité éditorial jusqu’à sa mort en 2011. En 1956, elle devient la première femme conseillère municipale de Madagascar. À l’aube de l’indépendance de Madagascar, elle contribue à la création du parti politique indépendantiste AKFM en 1958, dont elle sera la secrétaire générale jusqu’en 1998.

Se réapproprier la culture malgache

En 1977, elle devient ministre de la Culture et de l’Art révolutionnaire. Après son engagement indépendantiste puis syndical, c’est à cet endroit, par la culture, qu’elle pense pouvoir réaliser complètement l’indépendance, en revalorisant le patrimoine malgache. Elle occupera ces fonctions pendant 14 ans.

Elle jouera à partir des années 1990 un rôle de médiatrice dans les différentes crises politiques du pays, notamment en tant que membre à 80 ans du comité des sages créé suite à la crise institutionnelle de 2009, et dans un contexte où la France défend un positionnement de “non-ingérence mais non-indifférence.

Non-indifférence, c’est certain : en mai dernier, la tension est montée entre la France et Madagascar pour des questions territoriales à propos des îles Glorieuses, dont les sols seraient notamment riches en hydrocarbures. Le rapport de force colonial continue de se jouer aujourd’hui entre la France et l’ancien Territoire d’Outre Mer, mais aussi entre la métropole et les DOM-TOM actuels.

Et Gisèle Rabesahala l’avait bien compris, la culture est un enjeu majeur dans ces rapports de force post-coloniaux.

Les formes varient avec le temps, mais la citoyenneté de seconde zone dans les DOM-TOM se manifeste régulièrement dans l’actualité culturelle, comme tout récemment avec l’annonce par le Ministère de la Culture de la suppression de la chaîne France Ô la semaine prochaine. Selon la Ministre, cette mesure a pour objectif de “déconfiner” culturellement les Outre-Mer et mieux les inclure dans l’ensemble de l’offre audiovisuelle publique.

Cette intention inclusive et le “pacte de visibilité des Outre-Mer” qui accompagne cette suppression sont louables, mais on ne peut qu’en douter quand le Ministère des Outre-Mer continue lui d’exister, avec un nom différent mais dans la continuité administrative de l’ancien Ministère des Colonies.

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Emmanuel Karsarhérou, président du musée du Quai Branly-Jacques Chirac — crédit photo : Thibaut Chapotot

Pour citer une interview RFI du le nouveau président du musée du Quai Branly Emmanuel Karsarhérou, français moitié kanak moitié métropolitain :

“Ce qui est le plus important pour nous, c’est de se projeter avec ces références [au passé colonial] comme des éléments qui participent à la construction d’une identité partagée.

On ne peut pas choisir un destin dans lequel on va continuer à pérenniser un discours qui nous a annihilés et nous a rendu étrangers notre patrimoine. Il faut l’assumer, les Français et les Kanaks.”

En effet, la Nouvelle-Calédonie ne se projette qu’à moitié dans le récit français puisque la collectivité d’outre-mer a organisé à l’automne 2020 son deuxième référendum pour l’indépendance, probablement pas le dernier.

Gisèle Rabesahala à la postérité

Peut-être parce qu’elle était vivante il y a encore quelques années, il existe aujourd’hui peu d’articles universitaires ou d’ouvrages mentionnant l’action décoloniale de Gisèle Rabesahala.

OU — autre hypothèse : elle pâtit à la fois du manque de ressources historiques sur la colonisation française vue du côté des ancien.ne.s colonisé.e.s, et de l’effacement de la contribution des femmes à l’histoire en général.

On peut cependant mieux connaître son engagement si on arrive à se procurer son livre autobiographique, Que Vive la liberté !

Et l’UNESCO lui rend hommage avec un dossier dédié au sein de sa série “Femmes dans l’histoire de l’Afrique” publiée dans les années 2000.

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Gisèle Rabesahala — source : UNESCO

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